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Fast Fashion : Imagine, on réinvente la mode 

  • Anaïs INIZAN
  • 23 févr.
  • 10 min de lecture

Par Anaïs Inizan


fast fashion, comment réinventer une mode durable ?

Avez-vous déjà réfléchi à la quantité de vêtements que nous achetons ? Chaque année, environ 100 milliards de vêtements sont produits dans le monde. 


En France, une famille moyenne achète environ 30 kg de vêtements par an. En quelques années, la majorité de ces vêtements finie en décharge ou est incinérée. L'industrie de la mode produit 10 % des émissions mondiales de CO2 et consomme 79 milliards de mètres cubes d'eau par an.


Ces chiffres vertigineux reflètent un modèle insoutenable, qui repose sur une production frénétique et des pratiques exploitantes. Mais ce système, qui semble ancré dans nos habitudes de consommation, n’est pas une fatalité : il est temps d’imaginer une mode différente, respectueuse des écosystèmes et des humains qui la façonnent.


La mode : un modèle à bout de souffle


Chaque vêtement raconte une histoire, mais celle de la mode est aujourd’hui marquée par l’excès. La fast fashion, c'est ce modèle de production et de consommation de vêtements où tout va à une vitesse folle. Les marques produisent rapidement de grandes quantités de vêtements à bas prix, inspirés des dernières tendances, qui elles, changent tout le temps. Cela permet aux consommateurs d'acheter souvent de nouveaux vêtements à des prix abordables, mais cette rapidité et ce volume ont un coût caché.


Concernée par l'écologie et les droits humains, je me suis souvent demandée quels impacts pouvait avoir notre façon de nous habiller et ce qu’on pouvait faire pour les minimiser. Il m’a déjà fallu me rendre compte de l’ampleur des dégâts que cause la mode. Et autant vous prévenir : c’est pas joli.



déchets : les dégats de la fast fashion

Fast Fashion : tout ce que vous devez savoir sur son impact dévastateur


La mode a un impact sur chaque pan de notre société. Mais en créant des tendances volatiles, la fast fashion déploie ses effets destructeurs sur l’environnement, les travailleurs, les consommateurs et le monde économique.


Un impact environnemental


  • Pollution : L'industrie textile génère 10% des émissions mondiales de CO2 et utilise beaucoup de produits chimiques nocifs qui polluent l’air, les sols et l’eau. 


  • Ressources naturelles : la production de vêtements nécessite une grande quantité de ressources naturelles, notamment de l'eau et de l'énergie. Par exemple, la production d'un seul jean peut nécessiter jusqu'à 7 500 litres d'eau, soit l'équivalent de ce qu'une personne boit en 7 ans.


  • Déchets : Environ 85 % des vêtements produits chaque année finissent à la décharge. Aujourd'hui, sur les 715 000 tonnes de vêtements mises sur le marché en France en un an, moins d'une tonne sur dix est recyclée, dont une infime proportion en France. Les vêtements jetés mettent des décennies à se décomposer, libérant leurs substances chimiques dans le sol et contaminant les nappes phréatiques. Certains pays, comme le Ghana, sont devenus les dépotoirs de la fast-fashion et sont asphyxiés par les déchets textiles.


L’impact sur les travailleurs


Pour fabriquer nos vêtements, des millions de travailleurs, souvent dans des pays en développement, sont sous-payés et travaillent dans des conditions dangereuses. Les ouvriers du textile peuvent travailler jusqu'à 14 heures par jour pour un salaire de misère. Les conditions de travail sont insalubres et de nombreux accidents arrivent chaque année, tuant les personnes qui fabriquent nos vêtements.


Un exemple concret : En 2013, l'effondrement de l'usine Rana Plaza au Bangladesh a tué plus de 1 100 travailleurs, mettant en lumière les conditions terribles dans l'industrie du textile. 


Un enjeu sanitaire


Il a été démontré que les vêtements produits par les marques de l’ultra-fast fashion comme Shein ou Temu sont nocifs pour la santé. En effet, des études, comme celles menées par Greenpeace, ont trouvé des niveaux élevés de produits chimiques préoccupants dans ces vêtements. Par exemple, des phtalates, souvent utilisés pour assouplir les plastiques, peuvent perturber le système hormonal. 


Un impact économique

La fast fashion exerce une pression économique considérable sur les entreprises locales et les petits créateurs. En proposant des vêtements à des prix extrêmement bas, les géants de l’ultra-fast-fashion comme Shein et Temu créent une concurrence déloyale. Comme nous venons de le voir, les pratiques employées incluent l'utilisation de main-d'œuvre bon marché, dans des conditions de travail précaires et dangereuses, ainsi que l'exploitation de ressources naturelles sans égard pour l'environnement. En conséquence, les petites entreprises qui respectent les normes éthiques et environnementales ne peuvent pas rivaliser avec ces prix bas, ce qui menace leur survie et favorise un modèle économique insoutenable.


Avec le besoin de rentabilité rapide est née l’ultra-fast-fashion. Cette industrie entraîne une surproduction de vêtements qui dépasse largement la demande réelle, et qui exacerbe les conséquences dévastatrices de la mode.


image d'une travailleuse dans l'industrie textile

Shein et Temu, symboles de l’ultra-fast fashion


Dans l’univers de la fast fashion, deux géants incarnent les dérives de ce modèle : Shein et Temu. À elles-deux, ces marques chinoises ont créé en quelques années plus de vêtements qu’il n’a jamais été produit sur Terre. Elles sont devenues le symbole de ce que l’on appelle dorénavant l’ultra-fast-fashion.


  • Shein  : mastodonte du secteur, cette marque est connue pour ses prix très bas et une vaste gamme de produits. Derrière cette façade, des pratiques opaques : conditions de travail déplorables, exploitation d’une main-d'œuvre sous-payée, et accusations de plagiat visant des créateurs indépendants. Ces pratiques, peu régulées, mettent en péril les artisans locaux et favorisent une course effrénée à la surproduction.

  • Temu : autre marque de l’ultra-fast-fashion, elle opère selon les mêmes schémas que Shein. Elle est d’ailleurs visée par une enquête européenne car elle ne respecterait pas les normes européennes selon le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC). Des interfaces trompeuses, une mauvaise traçabilité des vendeurs et des problèmes au niveau du système de recommandations ont été recensés sur ce site qui compte 92 millions d'utilisateurs mensuels.


fast fashion pollution

Shein et Tému ont un impact catastrophique sur l'environnement :

Malgré les dangers que représentent ces deux marques, les commandes sur Temu et Shein explosent. Les deux sites chinois expédient chaque jour environ 9 000 tonnes de fret dans le monde, soit l’équivalent de 88 Boeing 777 remplis. Un coût significatif pour l’environnement… sans oublier qu’ils auraient tendance à rentrer à vide.


Face à ses dérives, de nombreuses voix s’élèvent depuis des années pour demander à Bruxelles une loi qui traite le problème du design addictif, qui protège les droits des employés de l’industrie textile et qui régule la quantité et la qualité des produits issus du secteur.


Mode éthique : comment inventer une mode plus respectueuse de l’environnement, de la santé et des droits humains ?


La mode éthique existe déjà, mais n’est pas encore hégémonique, bien au contraire. D’abord, parce que face à la fast-fashion, les coûts de production de la mode éthique sont plus élevés (c’est ce qui arrive quand on respecte le droit du travail, que l’on rémunère correctement tous les travailleurs de la chaîne de production et que l’on respecte les normes environnementales). Ensuite, parce que notre rapport à la mode, en tant que société, est biaisé.


“Si on veut une industrie soutenable, il faut abandonner ce modèle et se tourner vers la sobriété." Julia Faure, dans l’Info Durable

Comment agir individuellement pour développer la mode durable ?


Plutôt que de céder aux sirènes de la fast fashion, envisageons des alternatives plus durables


Depuis plusieurs années, les plateformes de revente et les friperies locales ont pris de l’ampleur et sont devenues tendance. Cela-dit, toute solution provoque de nouvelles problématiques, et avec la quantité de vêtements issus de l’ultra-fast-fashion achetés chaque année, il devient difficile de ne pas tomber sur des articles Shein ou Temu au sein des vêtements vendus d’occasion.


mode durable vs fast fashion

D’autres idées concrètes existent pour adopter, de manière individuelle, une mode plus durable :


  • Acheter moins, mais mieux : Investir dans des vêtements de meilleure qualité qui durent plus longtemps. Rechercher des vêtements fabriqués à partir de matériaux durables comme le coton biologique, le lin, ou le Tencel. Ces matières sont non seulement respectueuses de l'environnement, mais elles offrent aussi un confort incomparable.

  • Le recyclage et l’upcycling : Donner une seconde vie à vos vêtements en les recyclant ou en les transformant. Le Relais est, par exemple, une initiative en France qui collecte et recycle les vêtements usagés, mais les associations sont victimes de leur succès et n’arrivent plus à organiser les tonnes de vêtements qui sont jetés tous les jours dans leurs containers au point de devoir en condamner ou supprimer. On. peut donc préférer l'upcycling, qui consiste à transformer des vieux vêtements en nouveaux produits, et qui est une autre excellente façon de réduire les déchets textiles. Par exemple, transformer un vieux jean en sac ou en coussin. C'est une activité créative et gratifiante qui permet de renouveler sa garde-robe sans achat excessif.

  • Utiliser des plateformes de dons : Des applications comme Geev permettent de donner et de recevoir des objets gratuitement, réduisant ainsi le gaspillage et favorisant le partage au sein de la communauté. C'est un excellent moyen de faire du bien à la planète tout en aidant ceux qui en ont besoin.


Malgré tout, les actions individuelles ne font pas tout. Il est en effet impossible de sensibiliser 100 % de la population aux effets néfastes de la fast fashion. Alors, pour réduire l’impact de l’industrie du textile de manière plus homogène, nous devons agir collectivement, à travers la mise en place de lois, de normes et de règles à respecter.


Quelles lois pour lutter contre la fast fashion ?


Quelles règlementations contre la fast fashion en Europe ?


À Bruxelles, dans la nuit du 18 au 19 février 2025, l’Union européenne a franchi un cap dans la lutte contre les déchets de l’industrie textile. En effet, un nouvel accord vient obliger les marques de textile à prendre en charge leurs propres déchets.

Avec cet accord, les marques vont devoir payer une contribution pour financer la collecte et le traitement des vêtements jetés, et ce montant pourra dépendre de la durabilité de la circularité de leurs produits. Les marques de fast fashion et de l’ultra-fast fashion payeront donc beaucoup plus que les marques durables.


L’objectif est de limiter la surproduction et le gaspillage des vêtements. 


Malheureusement, la directive n’impose pas de pénaliser la fast fashion, mais donne uniquement la possibilité aux États de l’UE de le faire. Il faut donc maintenant que les États se saisissent de ce sujet. En France, nous avons la possibilité d’aller encore plus loin.



Quelles lois contre la fast fashion en France ?


En France, nous avons une proposition de loi anti-fast fashion encore plus ambitieuse. Elle a été adoptée par l’Assemblée nationale en 2024 à l’unanimité. 


Son objectif est de freiner la fast fashion en imposant non seulement un malus environnemental (comme la directive européenne), mais en interdisant également la publicité pour la vente de vêtements à prix cassés. Elle ambitionne aussi de :

  • Réduire l’impact environnemental de la mode en limitant l’utilisation de substances toxiques et en favorisant le recyclage.

  • Imposer des conditions de travail dignes et une transparence accrue sur la chaîne d’approvisionnement.


Malheureusement, cette loi, qui doit d’abord passer au Sénat pour être effective, a disparu de l’ordre du jour des sénateurs et sénatrices.


La loi sur la fast fashion : mais que fait donc le Sénat ?


Cette proposition de loi votée par l’Assemblée Nationale et visant à réguler l’industrie de la fast fashion devait donc être discutée prochainement au Sénat, mais reste vraisemblablement bloquée.

 

« Un an après l’adoption de la loi à l’unanimité à l’Assemblée nationale, nous voici au statu quo ! », a déploré sur LinkedIn Anne-Cécile Violland, députée (Horizons) et rapporteure du texte. 

Alors que l’urgence écologique s’accélère, ce retard est un signal préoccupant. Pourtant, cette loi pourrait être un véritable levier pour encourager des pratiques durables, tout en soutenant les entreprises locales et les créateurs engagés.


Les acteurs de la filière française de la mode ont également fait part de leur déception, voire de leur colère.

« La mode ultra-express a encore progressé de 18 % sur le marché français en 2024, atteignant 6 % des ventes totales d’habillement (25 % des ventes en ligne) ! Il est urgent d’agir ! », alarme François-Marie Grau, délégué général de la Fédération française du prêt-à-porter féminin.

D’après des sources du secteur, le projet de loi figurait à l’ordre du jour de l’agenda du Sénat pour le 26 mars 2025, mais aurait été retiré la semaine dernière, sans nouvelle date annoncée. En attendant, Shein a intensifié son lobbying. Ce blocage aurait-il quelque chose à voir avec la nomination récente de Christophe Castaner, ancien ministre de l’Intérieur (2018-2020) comme conseiller au sein du comité RSE de Shein ?


« François Bayrou, Eric Lombard, est-ce l’influence de Christophe Castaner qui retarde l’examen de cette loi cruciale ? », demande Julia Faure, cofondatrice de la marque écoresponsable Loom et présidente de l’ONG En Mode Climat.
article presse Le géant Chinois de la fast fashion shein s'offre les conseils de Christophe Castaner

Pour aider dans la lutte contre la fast fashion


Pour permettre la mise en place de lois, et sensibiliser le grand public et nos élus aux dangers de la mode telle qu’elle est conçue actuellement, des associations et collectifs travaillent activement au quotidien. Nous vous invitons vivement à les rejoindre, car, comme nous l’avons montré à plusieurs reprises chez Divergence Fertile : l’activisme, ça marche !


Voici une liste non-exhaustive des organisations impliquées dans la lutte contre la fast fashion :  


  • Fashion Revolution : Cette organisation veut rendre l'industrie de la mode plus transparente et éthique. Elle encourage les consommateurs à demander "Qui a fait mes vêtements ?" et organise la Fashion Revolution Week chaque année pour sensibiliser le public aux conditions de travail dans l'industrie textile. Pour rejoindre leurs actions, suivez leur compte Instagram ou consultez leur site ici.


  • Clean Clothes Campaign : Une campagne internationale qui se concentre sur les droits des travailleurs dans l'industrie de la mode, visant à améliorer leurs conditions de travail et leurs salaires. Clean Clothes Campaign travaille avec des syndicats et des organisations de travailleurs pour promouvoir des pratiques de travail équitables et sûres. Découvrez leurs campagnes actuelles sur leur site ici.


  • En Mode Climat : Collectif qui rassemble des marques, des usines, des acteurs économiques de la mode afin d’utiliser l’influence du collectif pour demander des lois qui luttent contre la catastrophe climatique, qui servent le bien commun et non les intérêts économiques propres.


  • Stop Fast-Fashion : Collectif de plusieurs associations (Action Aid France, Les Amis de la Terre France, Emmaüs France, Fashion Revolution France, France Nature Environnement, Halte à l’Obsolescence Programmée, Max Havelaar France et Zero Waste France) qui mènent des actions contre la fast-fashion et ses impacts.


  • Zero Waste France : Association qui défend une démarche zéro déchet, zéro gaspillage.




mode durable

Sources :



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